Dans une de ses publications Julien Besse, pose une question-clef : comment faisons-nous pour accueillir les tensions et la confrontation dans la relation d'aide ou d'accompagnement ?
J'accompagne souvent des collectifs sous tension. Je garde en mémoire une situation qui illustre bien ces enjeux.
➡️ Le contexte
Le réaménagement de l'accueil et des bureaux d'un établissement d'enseignement.
➡️ La demande
L'équipe de direction me contacte pour un accompagnement collectif : cette opération a ravivé les tensions d'une réforme organisationnelle mal aboutie 6 ans plus tôt.
➡️ La mission
Après plusieurs mois d'entretiens individuels et d'ateliers impliquant des représentants de toute l'équipe, la date d'un séminaire en grand collectif est fixée pour finaliser l'organisation pendant le chantier et le réaménagement.
➡️ La difficulté
Une forte incertitude plane encore sur la réussite de cette journée finale (et de tout le projet) car un petit groupe de personnes maintient son opposition, les critiques sont nombreuses et l'ambiance reste lourde.
➡️ La confrontation
Le directeur et son adjointe nous demandent de les aider à animer une rencontre "de la dernière chance". Deux heures, au cours desquelles celles et ceux qui le souhaitent peuvent venir dialoguer autour des plans des futurs locaux. Le ton monte peu à peu et je vois les trois personnes les plus en opposition se lever comme si elles allaient quitter la salle. La discussion se poursuit debout, les arguments sont échangés sur un ton de plus en plus ferme, d'un bout à l'autre de la salle.
Au plus fort de la tension, je perçois les membres de ce groupe écartelés entre l'envie de claquer la porte et celle de continuer d'argumenter. Malgré l'extrême tension, ils restent dans la salle et consentent finalement à donner un accord de principe sur la suite.
➡️ Mon expérience d'accompagnante
Je me rappelle très précisement cette confrontation sur le plan des sensations physiques.
J'ai eu l'impression de voir un arc électrique se former entre le groupe de la direction et le groupe des contestataires. Et en même temps j'avais la sensation que chacun s'appuyait sur moi pour poursuivre le dialogue. En reprenant les termes des pratiques narratives il me semble la présence tranquille du tiers décentré et influent que j'incarnais offrait une "prise de terre", accueillant la confrontation et évitant l'escalade, le conflit et la rupture.
J'ai été heureuse ce jour-là d'avoir su entretenir un lien de qualité avec chacun des protagonistes depuis le début de l'accompagnement, d'être assez entraînée à rester posée sur mes deux pieds et attentive à ma respiration pour avoir su accueillir cette relation électrique... sans chercher à l'empêcher.
➡️ Une conclusion positive
Le séminaire qui a suivi a marqué un tournant dans le projet et chacune et chacun s'est approprié les nouveaux locaux. Il avait fallu ce moment d'extrême tension pour que la bonne humeur, la créativité et l'envie de contribuer puissent s'exprimer.